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Haut Mbomou Haut'n line
11 novembre 2010

RD Congo / République centrafricaine : Les victimes de la LRA lancent un appel au Président Obama

Human_Right_Watch(Washington, le 11 novembre 2010) - Les victimes d'atrocités commises par l'Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA), ont adressé de vibrantes suppliques personnelles au président américain Barack Obama, l'enjoignant d'agir d'urgence pour mettre fin aux attaques du groupe rebelle, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Entre le mois de mai et le mois de septembre 2010, Human Rights Watch a effectué cinq missions de recherche dans le nord de la République démocratique du Congo et en République centrafricaine, dans des zones où peu d'étrangers ont pu se rendre. Les chercheurs se sont entretenus avec des centaines de victimes, ont recueilli leurs témoignages et ont enregistré leurs messages au président Obama ainsi qu'à d'autres dirigeants mondiaux. Après examen de ces témoignages et sur la foi d'autres informations recueillies dans la région, Human Rights Watch a appelé à une stratégie internationale complète centrée sur la protection des civils.

Le 11 novembre 2010, Human Rights Watch a mis en ligne des dizaines de « cartes postales » vidéo, des témoignages ainsi que des lettres d'adultes et d'enfants de la région, appelant le président Obama et d'autres dirigeants mondiaux à agir pour mettre fin aux souffrances infligées par la LRA.

« Quelles que soient les pressions politiques auxquelles ils font face dans leurs propres pays, le président Obama et les autres dirigeants mondiaux devraient répondre aux cris désespérés des victimes de la LRA », a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior sur l'Afrique à Human Rights Watch. « Le leadership du président américain est primordial pour amener les gouvernements européens et africains à travailler sans plus attendre pour protéger les civils et arrêter les criminels de guerre responsables de ces attaques. »

La LRA est un groupe rebelle particulièrement brutal qui, depuis l'échec des pourparlers de paix régionale en septembre 2008, sème la terreur en Afrique centrale. Ce groupe a tué au moins 2 385 civils et enlevé près de 3 054 autres, selon des rapports publiés par Human Rights Watch et les Nations Unies. Compte tenu des attaques menées par la LRA contre des villages dans des régions isolées, dépourvues d'infrastructures, et où les routes et les communications sont quasi-inexistantes, le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé.

Un dirigeant local a été contraint de fuir sa maison située dans le village de Digba, dans le nord du Congo, après une attaque de la LRA. Il a expliqué à Human Rights Watch : « Il y a beaucoup de morts, la LRA enlève les gens, les fouette, les ligote, les tue et brûle nos maisons. Nous avons vraiment beaucoup souffert à cause de la LRA. »

Au mois de mai, le président Obama a signé une loi exigeant que le gouvernement américain mette en place dans les six mois une stratégie globale et multilatérale pour protéger les civils en Afrique centrale contre les attaques de la LRA et mettre un terme aux violences commises par le groupe rebelle. Selon cette loi, cette nouvelle stratégie devrait être en place le 24 novembre.

La LRA a été chassée du nord de l'Ouganda en 2005, après avoir combattu le gouvernement de ce pays pendant près de deux décennies. Le groupe rebelle mène actuellement ses actions dans les régions frontalières reculées du nord du Congo, en République centrafricaine et dans le sud du Soudan.

Bon nombre des victimes de la LRA ont été battues à mort ou ont eu le crâne fracassé à coups de gourdin, a déclaré Human Rights Watch. Les combattants du groupe armé attachent d'autres victimes à des arbres puis leur tranchent la tête avec une machette. Les forces de la LRA ont enlevé des enfants, et les obligent à tuer des membres de leurs familles et des voisins si ceux-ci tentent de s'échapper, exhibent des signes de fatigue ou de faiblesse, ou ont perdu leur utilité aux yeux de la LRA.

Lors d'une attaque menée à Duru, au nord du Congo, le 28 août, cinq combattants de la LRA ont enlevé huit civils, à moins d'un kilomètre d'une base des forces de maintien de la paix des Nations Unies, et ont brutalement tué à coups de couteau trois des jeunes hommes capturés. Une femme et une jeune fille de 16 ans relâchées le lendemain matin ont déclaré à Human Rights Watch que la LRA leur avait donné un message pour l'armée congolaise: « Nous ne sommes pas loin et nous serons bientôt de retour. »

La LRA compte entre 200 et 400 combattants armés, auxquels s'ajoutent quelques centaines de personnes enlevées. Le groupe armé n'a pas d'objectifs politiques cohérents, et ne dispose d'aucun soutien populaire. La LRA ne peut regarnir ses rangs qu'en enlevant des enfants et parfois des adultes qui sont soumis à une immense brutalité et forcés à combattre. Trois des dirigeants de la LRA - Joseph Kony, Okot Odhiambo et Dominic Ongwen - sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) et sous le coup de mandats d'arrêt émis en juillet 2005 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans le nord de l'Ouganda. Ces trois hommes continuent pourtant de se déplacer en toute liberté, et ont été impliqués dans de nouvelles atrocités.

Les opérations militaires actuelles contre la LRA, dirigées par l'armée ougandaise aux côtés d'autres armées nationales de la région et soutenues par le gouvernement des États-Unis, n'ont pas abouti à la capture des principaux dirigeants de la LRA ni à mettre fin aux attaques de la LRA contre des civils. L'armée ougandaise et ses alliés semblent ne pas avoir la capacité, la volonté ou l'expertise requises pour appréhender les chefs de la LRA, bien qu'ils se soient trouvés très près de certains de ses principaux commandants à plusieurs reprises l'année passée.

Dans une lettre envoyée précédemment au président Obama, Human Rights Watch a exhorté le gouvernement des États-Unis à user de son influence diplomatique pour susciter une action commune menée par les dirigeants mondiaux qui sont similairement préoccupés par cette situation. Ces dirigeants devraient faire preuve de volonté politique et consacrer des ressources financières - ainsi qu'une aide en matière de collecte de renseignements et d'autres formes d'assistance - visant à constituer des unités spécialisées capables d'arrêter les principaux chefs de la LRA recherchés pour crimes de guerre et délivrer les personnes enlevées. Ces unités renforceraient de façon importante la capacité de l'ONU ainsi que des forces régionales et locales à protéger les populations civiles vulnérables.

« Il serait d'ores et déjà possible de retrouver les principaux chefs de la LRA, mais il est clair que l'actuelle stratégie qui ne consiste qu'à soutenir les opérations de l'armée ougandaise ne fonctionne pas », a observé Anneke Van Woudenberg. « Une nouvelle approche est nécessaire pour protéger les civils, améliorer la collecte de renseignements et mettre sur pied des unités compétentes pour appréhender les principaux chefs de la LRA. Sinon, la grave menace que la LRA fait peser sur les civils se poursuivra. »

Human Rights Watch a également appelé le Conseil de sécurité des Nations Unies à intensifier ses efforts et ses capacités d'intervention rapide pour protéger les civils dans les zones touchées par la violence de la LRA. Trois missions de paix sont actuellement affectées aux zones touchées par les violences, mais elles ne disposent pas de mandat transfrontière pour s'attaquer au problème d'envergure de la LRA, et n'ont pas comme objectif prioritaire d'empêcher les exactions de la LRA.

Avec près de 18 000 soldats, la force de maintien de la paix de l'ONU au Congo (MONUSCO) est la principale force de la région, mais seulement 850 Casques bleus sont déployés dans les zones soumises aux attaques de la LRA. Il n'y a aucun soldat de la paix dans le district de Bas Uélé, près de la frontière avec la RCA, en dépit des multiples attaques et d'enlèvements par la LRA dans cette région au cours des 20 derniers mois. Aucun Casque bleu n'est déployé dans les zones sous la menace de la LRA en République centrafricaine, où ne travaille qu'une petite équipe humanitaire de l'ONU. La Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) est présente dans la région de l'Équatoria occidental, mais s'est également avérée inefficace dans la protection des civils contre les attaques de la LRA.

« La réaction de l'ONU aux attaques subies par la population civile, et l'aide apportée aux nécessiteux, ont été lamentablement insuffisantes. L'ONU devrait au minimum commencer par déployer un plus grand nombre de ses forces dans les zones touchées par la LRA », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Le Conseil de sécurité devrait discuter d'urgence de cette menace régionale, et s'engager à renforcer son action ainsi qu'à consacrer davantage de ressources à la protection des civils menacés par la LRA. »

Selon de récentes informations, le chef de la LRA, Joseph Kony, se serait déplacé vers la région frontalière entre la République centrafricaine et le Sud-Darfour, une zone contrôlée par le gouvernement de Khartoum au Soudan. Dans le passé, le Soudan a fourni un soutien militaire important à la LRA.

Human Rights Watch a appelé le gouvernement soudanais à s'assurer qu'aucune aide - sous aucune forme - ne soit fournie à la LRA, et a exhorté le gouvernement américain ainsi que les dirigeants mondiaux à faire pression sur le gouvernement soudanais pour empêcher que la LRA ne trouve refuge au Darfour. Le président soudanais Omar el-Béchir est également recherché par la CPI pour crimes contre l'humanité commis au Darfour.

Témoignages de victimes de la LRA

Claude, un garçon de 14 ans du village de Dakwa (Bas Uélé, dans le nord du Congo) :

Claude [pseudonyme] a été enlevé par la LRA le 2 juin 2009, lorsque les rebelles ont enlevé environ 55 personnes à Dakwa.

« La LRA a attaqué vers 21 heures alors que tout le monde dans le village était réuni pour l'enterrement de mon frère », a-t-il déclaré à Human Rights Watch. « Ils sont venus soudainement et ont commencé à nous attraper pour nous lier les poignets derrière le dos et nous attacher ensemble pour former une chaîne. » Claude a expliqué que la LRA a tiré en l'air, tué un policier, et piller le village en emportant des médicaments, du riz, des arachides, des poulets et autres marchandises ; puis ils ont forcé leurs prisonniers, y compris Claude, à transporter leur butin en forêt. Les adultes ont été libérés le lendemain, mais la LRA a gardé Claude et les autres enfants et les ont emmenés dans leur camp temporaire. Claude a dit à Human Rights Watch comment il a été contraint de tuer deux enfants qui tentaient de s'enfuir.

« J'ai dû frapper la tête des autres enfants avec des gourdins », a-t-il dit. « L'un était un garçon de 12 ans de Banda et l'autre était un garçon de 14 ans du village de Bayule. » Claude a également été contraint de tuer plusieurs adultes que la LRA avait capturés. « Ils capturent souvent des adultes qu'ils utilisent au transport de leurs affaires et ils nous demandent de les tuer quand nous arrivons à leur base », a-t-il ajouté. Claude a réussi à s'échapper de la LRA après près d'une année de captivité.

« Mon message au président Obama est qu'il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour sauver les enfants qui sont encore aux mains de la LRA et de renvoyer tous les combattants de la LRA chez eux », a déclaré Claude.

Eveline, une fille de 12 ans du village de Botolegi (district de Bas Uélé, dans le nord du Congo) :

Eveline [pseudonyme] a été enlevée en décembre 2009 avec trois autres enfants de son village :

« Quand nous sommes arrivés au camp du chef on m'a donné à un combattant de la LRA du nom de Nyogo. J'étais sa servante et sa femme. Il était très méchant et agressif, surtout les jours où il devait tuer des gens. Quand ils amenaient des gens au camp, ils ne relâchaient pas les adultes de peur qu'ils n'indiquent l'emplacement du camp aux soldats. C'est pourquoi ils nous forçaient à les tuer. Je ne me souviens pas du nombre total de gens que j'ai tué - un jour quatre, un autre jour trois. Ils attachaient les mains des victimes derrière leur dos et aussi leurs jambes et quelques fois aussi leur attachaient une corde autour au cou. Ils forçaient la personne à s'allonger avec le visage face au sol. Ensuite, si la LRA voulaient que nous les tuions, ils nous donnaient un gourdin et nous demandaient de les frapper à la tête. »

Eveline a réussi à s'échapper quand la LRA a été attaquée près de Samungu au mois de juin 2010.

« Le message que j'ai pour le président Obama et la communauté internationale », a-t-elle dit, « c'est qu'ils les [la LRA] chassent du Congo et qu'ils libèrent tous les enfants tombés dans leurs mains. »

Bridget, une femme de 47 ans du village de Kpanangbala (district de Haut Uélé, dans le nord du Congo) :

Bridget était assise devant sa maison avec son mari et son frère quand un groupe de la LRA a attaqué son village. Elle a essayé de s'enfuir, mais la LRA l'a rattrapée. Ils ont poignardé son mari à mort sous ses yeux et pillé sa maison. Bridget a réussi à s'enfuir, mais la LRA a ligoté son frère et l'a emmené dans la forêt. Trois jours plus tard, Bridget a retrouvé son corps. Lui et cinq autres hommes avaient été poignardés dans la forêt près de son village.

« Je suis très perturbée par tout ce que j'ai vu », a-t-elle dit. « J'espère que la communauté internationale peut prendre des mesures pour sanctionner les rebelles qui ont tué mon mari et mon frère et les faire partir du Congo. Nous avons déjà beaucoup trop souffert. »

Emmanuel, président d'une association de victimes de la LRA à Obo (RCA) :

Emmanuel est un homme de 32 ans, originaire de Obo, au sud-est de la RCA. Le 6 mars 2008, il a été enlevé par la LRA avec au moins 46 autres civils et contraint de marcher des centaines de kilomètres jusqu'au camp de la LRA dans le parc national de Garamba au Congo. Emmanuel a été retenu captif et forcé de travailler pour la LRA. Il a seulement réussi à échapper 18 mois plus tard.

« J'ai tant souffert à cause des Tongos Tongos [nom local donné à la LRA] », a-t-il dit. « J'ai survécu à de nombreux crimes dont j'ai été aussi le témoin ; j'ai tué des gens et je reviens avec des cicatrices tragiques et douloureuses. Je ne suis plus moi-même et je n'ai plus le goût ni les moyens de faire grand-chose ou de cultiver la ferme comme je le faisais. Je saisis l'occasion de demander à mon président Barack Obama de nous aider. Beaucoup de nos frères, de nos enfants, de nos mères et de nos pères sont morts à cause de la [LRA]. »

© Copyright, Human Rights Watch 350 Fifth Avenue, 34th Floor New York, NY 10118-3299 USA

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