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Haut Mbomou Haut'n line
7 décembre 2010

République centrafricaine : aider les enfants à rentrer chez eux

CICRLe conflit qui fait rage dans l'est de la République centrafricaine et les régions environnantes continue de séparer des familles. Des enfants sont enlevés par des groupes armés et contraints d'entreprendre un voyage périlleux, dont beaucoup ne reviendront pas. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s'efforce de réunir les enfants qui parviennent à retrouver leur liberté avec leurs proches. Ewan Watson, délégué du CICR, a raccompagné certains de ces enfants chez eux.

Il est sept heures du matin. Dans une salle d'attente humide de l'aéroport de Bangui, Jacques, 12 ans, engloutit des cacahouètes en bavardant avec les autres enfants qui prennent le même vol que lui. Il porte fièrement sa nouvelle chemise un peu trop grande pour lui, souriant à tout-va comme un petit garçon insouciant. Dans quelques heures, il retrouvera enfin sa famille, mais ce voyage de retour n'a rien d'ordinaire. Seule la perplexité qui se lit par moment sur son visage laisse à penser qu'il ne réalise pas totalement ce qui lui arrive.

Un calvaire qu'aucun enfant ne devrait vivre

Un jour en rentrant de l'école, au début de l'année 2008, Jacques a rendu visite à sa grand-mère qui vit dans la périphérie d'Obo, sa ville natale située dans le sud-est de la République centrafricaine. Cette journée en apparence ordinaire a pris une tournure tragique. Tandis qu'il rentrait seul à la maison, Jacques a été attaqué par surprise par un groupe armé et a été enlevé. « Je n'ai jamais eu aussi peur. J'espérais juste que mon père vienne pour que ces hommes me laissent tranquille, mais ils m'ont attrapé et m'ont forcé à partir avec eux. Ils m'ont dit que si je n'arrêtais pas de pleurer ils me frapperaient encore. »

C'est ainsi qu'a débuté un terrible calvaire qui allait durer deux ans et demi et dont aucun enfant de 12 ans ne devrait avoir à témoigner, un voyage atroce et sans fin à travers les frontières, au milieu des affrontements armés, là où la mort rôde en permanence. Jacques retient sa respiration au point qu'il semble proche d'exploser, puis expire et commence à parler : « Ces hommes n'ont pas de cœur. Ils m'ont forcé à marcher en portant des charges lourdes qui faisaient deux fois ma taille. Un jour, ils ont failli me tuer parce qu'ils pensaient que j'avais essayé de m'échapper. Il y avait beaucoup d'autres filles et garçons qui, comme moi, étaient obligés de travailler, mais on n'avait pas le droit de se parler. »

Des compagnons de voyage réconfortants

Plus personne ne l'empêche de parler désormais. De toute évidence, Jacques apprécie ses nouveaux compagnons de voyage. Sans doute trouve-t-il aussi un peu de réconfort auprès de ces cinq enfants, qui ont récemment réussi, comme lui, à se tirer des griffes d'un groupe armé. Sabrine, une jeune fille de 17 ans enlevée il y a plus d'un an alors qu'elle rejoignait sa mère qui travaillait dans les champs, raconte son calvaire. « Ils m'ont traitée comme une esclave. Ils m'ont forcée à être la femme de l'un d'entre eux. Nous marchions toute la journée dans la brousse, cherchant un moyen de nous enfuir. Ils nous battaient si nous ralentissions le pas. C'était l'enfer ! Une nuit, les hommes sont rentrés exténués après avoir attaqué une ville. Certains étaient blessés. Il régnait une grande confusion et je suis parvenue à m'échapper sans qu'ils me voient. J'ai eu de la chance et je me sentais coupable d'avoir abandonné les autres enfants là-bas. »

La fuite comme unique option

Jacques reprend son récit : « Après m'être échappé, je me suis retrouvé dans une ville que je ne connaissais pas. J'ai demandé de l'aide à des habitants et ils m'ont accompagné à la Croix-Rouge, qui s'est occupée de moi. » Une section de la Société de la Croix-Rouge centrafricaine dans le nord-est du pays a pris contact avec le CICR, qui a conduit les enfants à Bangui et entrepris de retrouver leurs familles. Ce vol marque l'aboutissement de ces recherches : le retour des enfants à la maison.

Retour poignant d'un enfant qu'on croyait à jamais perdu

Ces heures sont particulièrement éprouvantes pour Sabrine, dont la famille s'est élargie : elle s'apprête à présenter sa fille qui vient de naître à ses parents au Sud-Soudan. Pendant ce temps, à Obo, les proches de Jacques l'attendent sous des arbres aux abords de la piste d'atterrissage pour se protéger du soleil de midi, incapables de croire que l'enfant qu'ils pensaient à jamais perdu est sur le point de descendre sain et sauf d'un avion du CICR. Son père, Jean-Paul, était maire de la ville quand Jacques a été enlevé : « Le jour de sa disparition a marqué le début d'un long cauchemar dont nous ne sortons qu'aujourd'hui. Les souffrances que nous avons endurées sont indescriptibles. La Croix-Rouge nous a ramené notre fils et nous a redonné vie. Il n'y a pas de mots pour exprimer notre joie ! »

Les mots manquent aussi pour décrire le moment poignant où Jacques foule à nouveau le sol de sa ville natale. Soulagé et heureux, son père fait déjà des projets d'avenir. « Jacques a été longtemps absent de l'école. Je le laisserai retrouver ses repères pendant quelque temps. Nous verrons comment il s'en sort. Ensuite, nous penserons à son avenir. Nous devons l'aider à surmonter cette terrible épreuve et à prendre la vie du bon côté. Il faudra du temps, mais plus rien ne presse aujourd'hui. »

Sources: CICR - 07/12/2010

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