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Haut Mbomou Haut'n line
25 octobre 2011

République centrafricaine : traverser des moments difficiles

CICRDepuis plusieurs années, le sud-est de la République centrafricaine est en proie à des attaques armées poussant les gens à fuir de chez eux. Ewan Watson, délégué du CICR en République centrafricaine, relate l'histoire de Denise, une femme déplacée qui, en dépit des difficultés, s'engage pour sa communauté.

Assise sur l’ombre élancée projetée par sa hutte de paille dans le camp d’Agoumar pour personnes déplacées, Denise dégage une force extraordinaire qui retient l'attention : « Vous essayez de dormir à la dure dans la brousse alors que vous êtes enceinte de six mois! » dit-elle. Et les femmes se rassemblent autour d’elle pour écouter son histoire, bon nombre sont ses voisines, et toutes semblent retenir leur souffle.

Sentant qu'elle les captive, Denise poursuit : « Et à coup sûr c’est la saison des pluies – nous avons dormi une nuit à côté d'une rivière mais elle a inondé les rives et a failli nous emporter ! En plus, il y a des panthères là-bas, sans parler des boas et des mambas. Vous n'avez rien à manger, si ce n’est quelques ignames sauvages et quelques fruits. Pourriez-vous survivre ? »

20 000 personnes ont fui de chez elles depuis la recrudescence des attaques

Denise est peut être une conteuse née, mais ce qu’elle raconte est bien réel. Le voyage troublé de son village natal de Mbiro dans la brousse, après l'enlèvement de son frère aîné lors d'une attaque attribuée à l'Armée de résistance du Seigneur, trouve écho chez bon nombre dans le sud-est de la République centrafricaine. Depuis la recrudescence des attaques ici en 2009, quelque 20 000 personnes ont abandonné leurs villages, se regroupant quelquefois pour des raisons de sécurité dans les grandes villes. La modernité n’a pas encore atteint cette vaste région peu peuplée en plein cœur de l'Afrique. Avec les téléphones mobiles, le rêve pour la plupart, des nouvelles parviennent fragmentées et imprégnées de rumeurs, alimentant en permanence un sentiment de mauvais augure.

Situé à la limite de la ville marchande de Rafaï, le camp d’Agoumar est construit sur une vaste brousse inhospitalière qui a été récupérée il y a un peu plus de six mois par Denise et d'autres fuyant leurs maisons. Le camp, qui abrite environ un quart des 4 000 personnes déplacées dans la ville, est entouré d’une verdure foisonnante qui aurait sans doute englouti le camp. Denise le reconnaît, il a été difficile de repartir.

« Lorsque j'ai quitté mon village, j'ai quitté ma terre, ma maison, laissant tout derrière moi. Je n’ai pu prendre que quelques pots et casseroles avec moi. La terre ici appartient aux résidents, nous ne pouvons donc pas faire pousser nos cultures. Ils vivaient mal le fait que nous partagions leur eau potable... c'était un vrai problème jusqu'à ce que le CICR installe d’autres points d'approvisionnement en eau. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous en sortir. Mais tant que nous ne pouvons pas rentrer en sécurité à la maison, nous ne rentrerons pas. »

Les tactiques de survie créatrice abondent

À Agoumar, les personnes sont très créatives car elles cherchent à tirer le meilleur parti d'une situation difficile. Hélène, une des voisines de Denise, fabrique du savon en faisant bouillir et en tamisant des cendres de bois, et vend chaque barre 50 francs CFA (moins de 10 centimes d'euro). Les potagers ont fleuri dans des espaces incroyablement exigus autour du camp. Certains d’Agoumar ont trouvé un travail occasionnel, ils cultivent les champs pour les résidents de Rafaï, et reçoivent souvent des denrées alimentaires de base (par exemple des feuilles de manioc) en échange, mais c’est un travail irrégulier, sans garantie.

Devenir volontaire Croix-Rouge et chef de communauté

Denise a relevé les défis d’Agoumar, soutenant activement la nouvelle communauté, qui lutte pour trouver ses marques. Après avoir été inspirée par des volontaires de la Croix-Rouge qui ont pris en charge des blessés après une attaque contre la ville voisine de Zémio, elle rejoint la branche locale et fait partie aujourd’hui d'une équipe de volontaires qui aident à organiser les distributions de vivres du CICR. Elle représente aussi les mères et les enfants pour le camp d’Agoumar, et se charge de l’enregistrement des enfants malades pour les traiter et des questions relatives à leur protection sociale auprès des autorités locales.

Et les enfants ne manquent pas ici : « Il n'y a pas assez de place dans l'école pour tous les nouveaux enfants dans la ville : ils doivent rester debout pendant le cours. Comment ces enfants peuvent-ils apprendre quelque chose dans de telles conditions ? et les femmes dans le camp, ont quelquefois juste quelques feuilles pour s’étendre, ce qui crée des problèmes pendant la grossesse. Partout où vous regardez, il y a de quoi faire. »

Denise a également pris de nouvelles responsabilités plus personnelles. Contemplant la petite fille blottie dans le creux de son bras, son calvaire dans la brousse lui revient précipitamment à l’esprit : « J'ai entendu des histoires de femmes ayant des fausses couches parce qu’elles vivaient dehors. Quand je courais à travers la brousse, juste après l’enlèvement de mon frère, j'ai commencé à saigner et j'étais effrayée à l’idée de perdre mon enfant. J’ai eu de la chance. Bon nombre n’ont pas cette chance. « Elle prend un moment pour avaler ses émotions. « Quelque chose de beau vient de naître. Mais regardez, c’est une petite coquine, n'est-ce pas ? » Denise sourit d’un rire généreux et contagieux et les femmes rassemblées autour d’elle sont prises d’un fou-rire.

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